La présente interpellation a une portée à la fois particulière et générale. Particulière parce qu’elle est directement liée au volet voirie du nouveau projet de complexe résidentiel de la rue de Velaine à Landenne. Générale parce que ce projet soulève, à son tour, la question des orientations du Collège en matière de développement urbain.
Commençons par le point de vue particulier, à savoir le projet de la rue de Velaine pour lequel une demande de permis d’urbanisme a été introduite récemment et pour lequel l’enquête publique s’est clôturée ce vendredi 15 juillet. Petits préalables : premièrement, je ne prête par principe aucune intention à ce stade au Collège puisque la demande de permis vient seulement de franchir l’étape de l’enquête publique ; deuxièmement, personne n’ignore qu’il y a un enchevêtrement de règles entre le Code de Développement territorial et le décret relatif à la voirie communale. En soi, ce n’est pas incohérent puisque ledit décret fait de la modification des voiries une compétence du Conseil, indépendamment du CDT. Les modifications de voirie peuvent être ou non liées à des demandes de permis d’urbanisme.
C’est pourquoi, en l’occurrence, j’ai presque envie de considérer que cette disposition constitue un Cheval de Troie vertueux dans les attributions du Collège puisqu’il est décemment impossible de se prononcer sur le volet voirie d’un tel projet – 64 logements implantés en pleine campagne – sans s’intéresser au fond.
Considérer que donner son accord sur le volet voirie, en l’isolant de la demande de permis d’urbanisme qui le motive, n’engage à rien serait un non-sens. Donner son accord à ce stade constituerait une approbation tacite du projet et reviendrait ni plus ni moins à acheter un chat dans un sac.
- Des questions se posent en termes de mobilité. 64 logements, c’est potentiellement plus d’une centaine de voitures supplémentaires qu’une voirie déjà en forme d’entonnoir aura du mal à prendre en charge.
- Qu’en sera-t-il de la cohabitation avec les agriculteurs, dont le travail n’est déjà pas facile, et dont les charrois nécessitent des voiries adaptées et une cohabitation harmonieuse avec les autres usagers ?
- La situation du futur complexe suscite aussi des craintes en termes d’écoulement des eaux pour les riverains situés en aval de la rue de Velaine.
- Plus largement, la proportionnalité du projet ne peut qu’inquiéter. Son impact visuel sera important dans un village dont la configuration rurale est un atout majeur pour la qualité de vie. Les rez-de-chaussée + 3 tranchent de façon évidente avec le bâti rural. A cet égard, même si elles n’ont aujourd’hui plus qu’une valeur indicative, les dispositions du règlement général des bâtisses en site rural ont vocation à guider les autorités publiques vers la recherche de l’harmonie dans le développement territorial. Ce genre de projet est malheureusement peu compatible avec la ruralité.
- Enfin, ce que nous savons sur le fond de ce dossier ne rencontre pas l’objectif de lutter contre l’étalement urbain. Lorsque nous nous référons à la lutte contre ce dernier, nous pensons davantage à la densification des centres urbains et de leur périphérie directe. C’est l’esprit des instruments stratégiques régionaux. Le Schéma de Développement territorial mentionne « la lutte contre l’étalement urbain et l’utilisation rationnelle des territoires et des ressources aux termes duquel l’urbanisation doit être organisée et structurée de façon à limiter la consommation du sol et exploiter les autres ressources du territoire de manière raisonnée ». La construction de nouveaux quartiers ou lotissements concentrés au milieu des villages ne va pas en ce sens.
Bref, le groupe AD&N ne peut souscrire à ce projet. Et puisque les permis d’urbanisme relèvent d’une compétence du Collège, c’est au stade du volet voirie que nous marquons notre désapprobation sur un projet qui aurait mérité une plus grande concertation, avec les riverains mais aussi au sein des instances communales dédiées à l’aménagement du territoire. J’entends ici la Commission communale d’aménagement du territoire et la CCATM.
Venons-en à un point de vue plus général, mais toujours en lien avec le projet.
Ce projet particulier ranime indiscutablement une réflexion plus large sur le développement territorial à Andenne. Vous vous targuez d’avoir une vision globale à ce sujet, tout en contestant le bien fondé des instruments stratégiques mis à la disposition des autorités régionales en matière d’aménagement du territoire. C’est contradictoire, bien évidemment. Et nous nous inquiétons de voir émerger des projets immobiliers à différents endroits de la commune sans qu’il y ait de réflexion sur le développement du logement dans notre commune. Les permis d’urbanisme sont certes du ressort du Collège. Mais la politique de développement territorial doit être débattue entre tous les élus et même plus largement. Puis-je vous rappeler ce qui suit.
Le schéma de développement communal prévu par le CDT, que vous refusez toujours de mettre en œuvre, comprend une stratégie territoriale qui définit :
- les objectifs communaux de développement territorial et d’aménagement du territoireà l’échelle communale, et la manière dont ils déclinent les objectifs régionaux du schéma de développement du territoire ou, le cas échéant, avec notamment « la lutte contre l’étalement urbain et l’utilisation rationnelle du territoire et des ressources » mais aussi « le développement socio-économique et de l’attractivité territoriale » ou encore «la gestion qualitative du cadre de vie » et « la maîtrise de la mobilité ».
- les principes de mise en œuvre des objectifs, notamment ceux liés au renforcement des centralités urbaines et rurales;
- la structure territoriale qui identifie :
- la structure bâtie, en ce compris les pôles à renforcer;
- la structure paysagère;
- les réseaux de communication et de transports de fluides et d’énergie.
Cet outil est indicatif et il a pour avantage de constituer un vecteur de communication et de transparence à l’égard des citoyens.
Mes questions sont donc les suivantes.
- Quelle est la lecture actuelle du Collège relative au projet de la rue de Velaine ?
- Indépendamment de l’analyse formelle, comment justifiez-vous votre position eu-égard à vos orientations en matière d’urbanisme ?
- Quand aurons-nous enfin une réflexion ouverte sur le développement territorial à Andenne avant de poursuivre le déploiement de complexes résidentiels dans nos villages ?
Je rappelle ici, une nouvelle fois, que la CCATM peut toujours être saisie facultativement d’un dossier d’urbanisme sur proposition du Collège. Je rappelle aussi à quel point une politique d’urbanisme non maîtrisée insécurise les habitants.
Je vous remercie
Interpellation déposée au conseil communal du 18 juillet 2022.
Philippe Mattart
Conseiller communal
Projet immobilier Rue de Velaine à Landenne
📺 Écouter l’interpellation et la réponse du Collège
Rejoignez le public le lundi 18 juillet à l’Hôtel de ville d’Andenne ou regardez la vidéo en direct sur notre site.